6ième sens
Catégorie: Le plus beau métier du monde
Je n'ai pas raconter mon dernier soir d'école, les adieux, parce que bon dans l'ensemble y'a pas grand chose à en dire. Sauf que. Ceux qui ont suivi ce blog savent que j'ai eu du fil à retordre avec une des mes gamine de CM2 ayant de gros problème de comportement, la petite M., qui avait décidé de me pourir la vie, ou plutôt de me provoquer jusqu'au bout.
Je n'ai jamais céder, et même si je l'ai prise en grippe à un moment, étrangement je me suis aussi pas mal démené pour elle, parce que je sentais bien qu'entre elle et moi il y avait quelque chose, que si elle me cherchait c'est surtout qu'elle cherchait des réponses, ou quelque chose du genre. Je l'avais prise en grippe un peu comme on peut se mettre à détester sa petite soeur parce qu'elle vient d'arracher la tête de votre poupée: vous la détestait, profondément, mais il suffit qu'il lui arrive une bricole et hop vous vous mettez en quatre comme si de rien n'était. J'avais cette impression là avec M., parce que dans ses yeux, il n'y avait pas de haine, juste des questions, un appel, une recherche.
Parfois nos impressions ne restent que des impressions, et on ne sait pas trop. Difficile d'imaginer qu'une gamine qui vous provoque, vous cherche, et va même presque jusqu'à vous créer des problèmes, vous a en fait en affection, et que c'est justement pour ça qu'elle vous tourne autour. Mais ce soir là, étonnement, mes impressions se sont confirmées, quand dans les dernières minutes, alors que mes élèves avaient tartiné le tableau de commentaires à mon intention - nan maîtreeeeesse regarde paaaaas! - et que je m'asseyais sur une des tables de la classe pour les lire enfin, M. est venue juste à côté de moi. Je la sentais très émue, alors tout en lisant, je les prises par les épaules. Elle m'a souri avec les larmes aux yeux, tandis que ses camarades riaient des bêtises écrites au tableau - merci maîtresse tu nous as trop fait rire avec ta coupe de cheveux! - no comment. Et puis c'était l'heure, je les ai tous mis dehors en leur souhaitant de bonnes vacances et M. est partie à la garderie.
Jusque là c'était déjà pas mal. Sauf que quelques minutes plus tard, alors qu'il ne restait plus que quelques enfants à l'école - les retardataires de la garderie - ils en ont profité pour revenir me voir dans la classe alors que des mamans me remerciaient et me disaient au revoir. Et dans le tas, M., totalement en larmes, qui est venue me voir et que je me suis retrouvée à caliner comme une petite fille, pendant de longues minutes, alors qu'elle pleurait comme une madelaine. C'est la seule de mes élèves qui a pleuré ce soir là, et quand je lui ai demandé pourquoi, elle ne savait pas me répondre. Alors je lui ai juste dit à l'oreille que parfois, dans la vie, c'est pas parce que des gens nous cassent les pieds, qu'ils ne nous aiment pas, au contraire. Et que s'il elle avait des soucis l'année prochaine au collège, et qu'elle voulait discuter avec quelqu'un, elle n'avait qu'à venir me voir.
Elle a pleuré dans mes bras longtemps, et moi je sais, que même si elle a été la plus casse pied, la plus insolente, la plus intenable de mes élèves, elle est aussi celle dont je garderais un très bon souvenir, parce qu'avec elle j'ai fait plus que mon travail. Je l'ai sauvé un peu. Je ne sais pas où, je ne sais pas comment, je ne sais pas quand. Mais je le sens.
Et elle l'a senti aussi.
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