Point focal
Catégorie: La Vie de la Maîtresse
Y'a que les crétins qui changent pas d'avis non? Et ben je suis pas une crétine.
A la base, je voulais changer de blog parce que, parce que, parce que. Y'avait un tas de parce que. Y'avait surtout un gros ras-le-bol du boulot. Et puis je suis tombée malade, je veux dire vraiment malade hein, de la vraie maladie qui oblige à se mettre en arrêt. Une semaine. Une semaine loin de mes élèves, à laisser ma classe et mes loulous à une autre maîtresse, à laisser mes collègues gérer l'école sans même savoir ce qui s'y tramait, et le reste.
Et puis j'ai repris. Deux jours. Denses. Pour cause de fête de noël et de partage en vacances. Deux jours et une évidence: je m'éclate à faire de job. J'aime mes élèves, j'aime leurs transmettre mon savoir, des savoirs, j'aime les accompagner, les soutenir, les former, j'aime tout ce qu'il est possible de faire avec eux, j'aime que tout soit possible avec eux, tout simplement.
Une deuxième évidence: l'institution pourrit tout. Oui attention le propos n'est pas politiquement correct mais merde hein, ras-le-bol de devoir se museler à cause de principes à la con. Quand les choses clochent, on a le droit de dire ce qu'on en pense, et peut être même le devoir de dire que ça va se casser la gueule, surtout quand on est bien placé dans la perspective du truc, voire carrément en dessous.
L'institution donc. Des programmes aussi digestes et utiles que les 27 tomes de l'encyclopédie de la faune et flore d'Ousbekistan occidentale, des réformes qu'on nous bombardent comme en balancerait un plat de purée à travers la cantine, des horaires et des rythmes aussi calés qu'un parkinsonnien dansant la techtonique, des formations creuses et pontifiantes aussi adaptées à nos besoins qu'un tricot à un saumon... j'arrête la liste elle est trop longue, désespérement longue, et ceux qui sont de la partie n'arrêtent pas de faire des appels du pieds pour dire que ça coincre sérieux, d'ailleurs à ce stade là c'est plus des appels du pieds mais c'est carrément devenu un show de claquette! Déprimant. Révoltant aussi. Parce que sur le terrain, on se défonce. On gueule aussi, on gueule et personne ne nous répond. Que du vent.
Bref. Tout ça pèse. Surtout quand on y rajoute les parents lourdingues qui soient s'en foutent soit nous méprisent, les restrictions en tout genre, les pincettes qu'on doit prendre en permanence pour tout et rien, tous ces rôles qu'on endossent et qui ne devraient pas être les nôtres... à la fin, la volonté, la motivation, l'enthousiasme, la vocation même, finissent par en prendre un coup et par disparaître derrière des règles à tenir, des quotas à remplir, des cases à cocher, des objectifs à atteindre. Que du blabla, de la paperasse, des normalisations, des mises en forme, des cadrages.
Dumoins j'avais disparu là-dessous, jusqu'à en trouver le métier limite moche, limite insupportable. Jusqu'à tout faire aux forceps, comme ces instits de 25 ans de carrière qu'on trouve aigris, brusques, désanchantés, désagréables. Avec seulement 3 ans et quelques mois de carrière, j'avais déjà quelques réflexes de ce genre. Lamentable. Tout ça parce que ma nouvelle directrice est très à cheval sur les réglements en tout genre, notes de service et autres, parce que l'école ayant grossit d'un coup tout ce qui faisait le charme de la petite école de campagne a disparu en quelques semaines à peine, parce que j'ai une classe bien chargée pour un double niveau et une nouvelle équipe de circo qui nous oblige à bien rester dans les clous. Tout ça me gonfle profondément.
Ces deux derniers jours j'ai compris que tout ça me pourrissait le métier, modifier ma façon de faire et pas qu'en bien et surtout m'usait beaucoup plus vite que prévu. Je jette donc tout ça au diable, et je reprends un peu de ma liberté et de ma légèreté. Je sais que je suis une bonne, une très bonne instit. J'en ai eu tout un tas de preuves concrètes de puis plus de 3 ans, j'en ai sous les yeux jours après jours quand je regarde mes élèves. car le plus important est bien là: mes élèves, et ce que je sais avoir fait et faire pour eux. Le reste n'est que foutaises.
L'institution pompeuse qui nous étouffe sous ses bonnes intentions utopiques et abacadabrantes, je la mets de côté. Je ne travaille pas pour des technocrates, des pédagogues, je ne travaille pas pour les parents, l'inspecteur, je ne travaille pas pour tout ce petit monde. Je travaille pour et avec mes élèves. Ils sont, ils doivent être le point central, le point focal d'où tout doit partir et vers lequel tout doit converger. C'est cette maîtresse là que je veux être, et cette maîtresse là c'est celle qui est enthousiaste, volontaire, motivée, c'est celle qui avait ouvert ce blog champêtre et coloré, ce blog pour dire les mots d'enfants, les amusements du jour aussi bien que les énervements et les découragements, simplement, sans prétention ni prise de tête.
C'est cette maîtresse là que je veux m'employer à être à l'avenir. Et donc je reviens ici. C'est reparti comme en quarante!