Compagnie de fortune
Catégorie: Organisation et gestion de classe
Suite à cet article sur le blog de Miss Titane je réagis moi aussi en disant quelques mots sur ces fameuses 2h de soutien car justement hier j'avais une réunion "nuit des écoles" avec quelques parents d'élèves à l'école de Piverte et nous en avons un peu discuté.
Au contraire de certains, dès l'annonce de la mesure, moi j'ai pesté comme une buse. Pourquoi? Honnêtement parce que ça rallongeait ma journée de travail, et que franchement j'avais pas besoin de ça. Je cours déjà après le temps pour pouvoir tout corriger, préparer toutes mes séquences, organiser les locaux et le matériel. Donc une demi-heure de plus par jour, c'était mal-venu. Oui oui, c'est bien connu, les enseignants sont des fainéants.
Et puis ensuite, ce qui me dérange personnellement, c'est le fait d'extérioriser la difficulté des élèves. Au lieu d'intégrer le soutien de ces élèves dans la journée de classe, dans la classe tout simplement, on les en extirpe. Comme si on disait "ta difficulté n'a rien à faire en classe, on va la solutionner à côté". Avant, les Rased intervenaient durant le temps de classe, souvant en réunissant des élèves en petits ateliers, et c'était un décroché, une vraie différentiation. Là, c'est plus une mise à l'écart. Les enfants le vivent comme ça d'ailleurs, malgré tous les efforts que nous faisons pour ne pas les stigmatiser. On leur rajoute du travail et du temps de travail en plus, sous prétexte de les aider, on en remet une couche. On ne s'adapte pas vraiment à eux, on ne leur propose pas vraiment un soutien qui leur correspond, car justement, la dernière chose dont ils ont besoin, c'est d'une couche supplémentaire, et d'une étiquette sur le front.
Alors bien sûr, on va me dire que tout dépend des conditions de mise en place, et je suis d'accord. C'est là aussi que ça blesse. Car effectivement sur le papier, on pourrait peut être en faire un truc bien, même s'il y aurait des choses bien plus appropriées et plus innovantes à mettre en place. Seulement voilà, on se heurte comme à chaque fois à la dure réalité, aux conditions matérielles. Concrètement dans notre école, le premier écueil fut le refus du transporteur de modifier les horaires du transport scolaire, pour des raisons tout à fait compréhensible de lignes à assurer. Nous assurons donc le soutien le soir, après la classe, plutôt qu'entre midi et deux comme nous le souhaitions. Certaines familles refusent alors le soutien tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas venir chercher leurs gamins après. Ensuite, nous avons choisi une demi-heure par jour, parce que sinon, ça alourdit de trop les journées des élèves. Ok, et ben en une demi-heure je vous le dis, on fait pas grand chose. Car le temps que les gamins s'installent, qu'on se remettent dans des conditions de travail, on a déjà perdu 5 bonnes minutes. Le temps d'expliquer ce qu'on va faire, de distribuer le matériel et de lancer l'activité/l'exercice, on a encore perdu 5 bonnes minutes. Il reste 20 minutes de travail. Super. Avec des gamins fatigués, qui renaclent, et ben c'est pas évident. Et surtout, comment faire quand on a un bon tiers de ses élèves en vrai difficulté?! Je fais comment pour leur offrir à chacun un soutien vraiment adapté? Il faut du temps pour préparer les activités en fonction des besoins, et pour que le soutien soit efficace, je ne prends pas plus de 3 élèves par groupe. Comment je fais alors pour proposer à chacun de mes élèves en difficulté des plages de soutiens suffisantes avec des contenus adaptés? Et ben je vous le dis: je n'y arrive pas.
Pour le moment, je patauge donc toujours. J'essai de mettre au point des activités, j'essaie de voir qui en a le plus besoin, mais à l'arrivée, ça ne donne rien. Il n'y a aucun progrès chez les élèves qui ont eu des heures de soutien, et au mieux ils s'en fichent, au pire ils en ont marre. Et moi aussi. Ces deux heures sont devenues un vrai fardau. Je sais que je vais devoir me prendre la tête là dessus pendant les grandes vacances pour mettre un point quelque chose de plus efficace. Quoi? Je ne sais pas encore car ça dépendra aussi des nouveaux hoiraires de l'école. En tout cas là je n'ai pas vraiment le temps de me pencher sur le problème, même si ça me désespère, je dois faire avec. Et un immense sentiment de gâchis.
Comme d'habitude, ils nous ont pondu une mesure, et nous laisse nous démerder avec. C'est un peu comme s'ils débarquaient dans le hangar, envisageaient un vieux coucou tout dézingué à qui il manque la queue et avec le sourire nous lanceraient un "et ben alors, où est le problème?" alors qu'on doit faire la liaison Bamako-Montréal avec 150 tonnes de cargaison. On a juste envie de leur dire "ouais, sauf que ça, c'est pas un A380!". Autant dire qu'un fossé de la taille de la faille de San Andreas nous sépare!
En tout cas, s'il y en a parmi vous qui ont mis en place des choses qui fonctionnent, qui ont des astuces, des idées concernant ces fameuses 2h de soutien, n'hésitez pas à laisser un commentaire!